Extrait venant du groupe de discussion sur LinkedIn « Insurwatch » avec l’aimable accord de son auteur, Monsieur Christian Bellissen

Christian Bellissen,
le 18 septembre 2020

L’ACPR a communiqué le 16 septembre avoir été informé par les administrateurs d’Elite Insurance de la cessation des effets de tous ses contrats à effet du 15 septembre 2020.

Elite était déjà insolvable, et en cours de liquidation, donc pour les 60 000 assurés français d’Elite, qui avaient déjà peu d’espoir de récupérer quelque chose de la liquidation, cela ne semble pas une modification significative sur le plan financier. Cela peut néanmoins générer diverses difficultés du fait de la disparition d’un contrat censé durer bien plus longtemps. Cela mérite une explication.

Le « disclaimer », qu’est-ce que c’est ?

En effet les administrateurs d’Elite ont utilisé une procédure du droit des faillites de Gibraltar, le « disclaimer », qui autorise les administrateurs d’une compagnie d’assurance en faillite à unilatéralement résilier la couverture des contrats de plein droit, en partant du fait qu’ils estiment qu’ils n’auront de toute manière pas les fonds pour faire face aux sinistres futurs. Cela leur donne le droit de fixer une date butoir aux couvertures pour recevoir de nouveaux sinistres, indépendamment du fonctionnement prévu contractuellement au contrat. Pour Elite, dont l’activité en France était largement composée de couvertures en dommages ouvrage et en RC décennale, portant sur des garanties de plus de dix ans, c’est évidemment particulièrement douloureux.

Une inégalité des créanciers dans la faillite

On voit que l’intention du législateur français de protection des consommateurs, pendant dix ans après la réception des travaux, est malheureusement bien écorné par cette disposition du droit des faillites de Gibraltar. Surtout, cela signifie que la réglementation de Gibraltar ne respecte aucunement le principe généralement établi d’égalité des créanciers dans la faillite : les assurés bénéficiant de contrats courts seront systématiquement privilégiés au détriment de contrats aux garanties de longue durée. On peut faire le contraste avec la liquidation de Gable au Liechtenstein, où le liquidateur s’acharne à respecter le principe de l’égalité des créanciers, au prix, il est vrai, d’une redoutable complexité de la liquidation qui va probablement s’étaler sur une décennie…

L’impact sur les sinistres existants ou à venir

Ainsi, sachant qu’Elite a stoppé la souscription en juillet 2017, les assurés de 2017 n’auront eu qu’un peu plus de trois ans de couverture ! Seuls les sinistres ayant fait l’objet d’un accord d’indemnisation antérieur à la date du 15 septembre 2020 seront éligibles à rentrer dans la liquidation d’Elite et à recevoir quelque chose, d’ici plusieurs années, et en portion congrue… s’il reste quelque chose.

Or la gestion des sinistres d’Elite s’est avérée particulièrement obstructive, n’hésitant pas à se battre en justice, y compris en appel, pour dénier sa garantie, ce qui est quand même un comble pour une assurance, la dommages ouvrage, mise en place pour assurer un règlement rapide des sinistres. Un exemple parmi tant d’autres : Cour d’Appel de Montpellier, 1er mars 2018 n°17/04042, Elite Insurance contre les copropriétaires de la Syrahdelle). De ce fait, il est à craindre que les sinistres « ayant fait l’objet d’un accord d’indemnisation » ne soient pas foule…

Pour les autres sinistres, rien à espérer de la liquidation d’Elite, ni du fonds de garantie des assurances obligatoires, s’agissant de contrats souscrits antérieurement au 1er juillet 2018, date d’extension du FGAO aux assureurs LPS pour la seule dommage-ouvrage du particulier. Les administrateurs d’Elite encouragent aimablement les plaignants à se retourner contre d’autres acteurs de la construction potentiellement responsables et leurs assureurs…

Tout sauf une surprise

Les professionnels avisés de l’assurance française ne découvriront pas ce dispositif réglementaire : il avait déjà été utilisé le 27/10/2016 par l’administrateur d’Enterprise, assureur de Gibraltar actif en France en automobile (voir Insurwatch : « Enterprise, en liquidation – même avec un fond de garantie, attention » publié le 25/08/2017) . Mais bien entendu, c’était moins douloureux pour une garantie courte comme l’Auto. Insurwatch avait également avisé le 27 mars 2019 de l’épée de Damoclès que faisait peser la procédure de « disclaimer » aux assurés d’Elite (« Elite – que comprendre du solvent scheme of arrangement ») C’est donc malheureusement tout sauf une surprise.

Espérons qu’au moins les clients d’autres assureurs basés à Gibraltar seront dûment avisés par leur courtier conseil de l’existence de ce dispositif qui, tout particulièrement en assurance construction, opère comme un couperet au détriment des assurés en cas de faillite de l’assureur.

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