JÉRÔME AIMO-BOOT
PDG DU CABINET AIMOBOOT & CIE, AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

Le courtage de proximité développe sa véritable dualité. Rigueur et formalisme sont des impératifs au niveau administratif comme dans la gestion des intérêts des assurés. Le but étant la conformité aux exigences du législateur et aux prérequis des partenaires, tout en maintenant un dynamisme commercial dans un secteur concurrentiel. Pour autant, la prise en compte de l’humain est indispensable. Les attentes des assurés sont nombreuses : modes de contact, vulgarisation des problématiques, flexibilité, disponibilité et, surtout, empathie des gestionnaires sinistres. Il est donc primordial de sensibiliser en interne à ces sujets. L’approche des organismes de contrôles et les demandes des assureurs partenaires sont donc aux antipodes de la flexibilité commerciale et de l’agilité souhaitées par les collaborateurs.

Cette « bipolarité » caractérisant notre activité de courtier de proximité est apparue d’autant plus indispensable au cours de la période de confinement car, à nos obligations, se sont ajoutés des impératifs sanitaires et structurels, alors que nos assurés manifestaient le besoin d’être rassurés sur notre disponibilité. Dès le début de la crise sanitaire, notre cabinet a fait savoir à ses assurés de France métropolitaine et des Drom que nos équipes demeuraient à leur entière disposition. Au moment du déconfinement, certains éléments, autres qu’un outil informatique adapté au télétravail, ont aidé à faire face à l’inédit.

Parmi ces facteurs ayant prouvé leur importance se trouve la formation des collaborateurs sur des sujets non techniques ou réglementaires, mais visant à placer la relation client au premier plan, à promouvoir l’agilité, la cohésion, et la transversalité entre services. Un autre point important fut de pouvoir profiter de l’accompagnement proactif, qualitatif et centré sur l’activité d’intermédiation de notre syndicat professionnel.

Historiquement et idéologiquement membre du Sycra (Syndicat régional de courtiers en Auvergne–Rhône-Alpes), notre cabinet a bénéficié par ce biais d’informations fi ables et sans orientation commerciale, atout indispensable en de tels instants, tout comme à l’approche des grands chantiers de la profession de demain. Il est impossible de prédire les difficultés économiques à venir, mais il est certain qu’une approche rigoureuse mais aussi humaine sera l’une des solutions. S’il est indispensable de suivre les directives réglementaires et d’anticiper les évolutions du législateur comme de nos partenaires assureurs. Il sera tout aussi important de se positionner en tant que « facilitateur » auprès des assurés.

Rester à l’écoute

Pour le particulier comme le professionnel, les mois à venir seront complexes. Un courtier de proximité consolidera sa relation client en étant un acteur de simplification et une aide à la stabilité de par sa capacité d’anticipation. Cela passera par le partage d’informations et notre spontanéité à devancer les attentes et besoins clients.

Des sujets de réflexions qui ne manqueront pas de valoriser notre travail en externe, et de réellement donner du sens, en interne, aux taches de chaque collaborateur.

CLAUDE-AGNÈS HERBST
PRÉSIDENTE DU CABINET TRÊFLE ASSURANCES, AUVERGNE RHÔNE-ALPES

Depuis la mi-mars, nous avons été projetés dans un contexte inédit empreint d’anxiété face à diverses incertitudes, principalement sanitaires. Pour autant, nous avons opté pour une attitude plutôt constructive et positive. Tout d’abord avec nos clients. Nous avons mis en place des actions concrètes, comme publier des contenus pertinents afin de les informer des directives concernant le Covid-19. Parallèlement, nous avons effectué une campagne d’appels de courtoisie auprès de nos clients afin de maintenir une relation de proximité. Cette dernière a été particulièrement bien perçue et, pour certains, cela a même permis de réinitier une relation qui s’était un peu érodée. Même si la qualité des relations a été très hétérogène d’un partenaire à l’autre, durant le confinement, nous avons relevé une meilleure disponibilité, moins d’empressement à clôturer une communication, avec des réponses plus calibrées. Néanmoins, le télétravail, même s’il comporte certaines vertus, comme la continuité d’activité, reste plus orienté vers de la gestion de premier niveau. En revanche, il atteint ses limites dès lors qu’il est nécessaire d’apporter des réponses plus étayées, comme en matière comptable, notamment lorsqu’il s’agit d’effectuer des recherches dans des archives non numérisées.

Limite du télétravail

A contrario, depuis le déconfinement, le maintien de certains collaborateurs de nos partenaires en télétravail complique le développement commercial, entre un chargé d’affaires et son assistant, tous deux à distance et asynchrones sur leur temps de travail et leurs dossiers. De plus, cela n’est pas cohérent en comparaison au réseau bancaire ou encore à celui des courtiers, qui s’est remis en ordre de marche quasi normal. Le Covid-19 a initié une normalisation du télétravail. On peut parier qu’il va se généraliser ou qu’une solution hybride en découlera. Aussi, en tant que courtier, nous devons nous interroger sur la pérennité de notre activité telle que nous la connaissons. D’ores et déjà, nous constatons que nos interlocuteurs se sont inscrits dans des processus numériques et consomment en ligne lorsque c’est plus simple et facile : devis ou souscription en ligne et signature électronique. Face à la standardisation des solutions assurantielles, les clients deviendront plus des utilisateurs et prétendront à l’immédiateté sur des produits sans forte valeur ajoutée pour les produits les plus courants, comme l’auto ou l’habitation.

En tant que courtier de proximité, pour perdurer, il faudra développer plusieurs axes, dont sa transition numérique. Tout d’abord, pour répondre aux attentes des utilisateurs et par mimétisme avec les acteurs majeurs de notre marché. En ce sens, cela implique des investissements sur nos outils : ERP, CRM, plan de gestion de la relation client, solutions proposées par l’intelligence artificielle.

Opter pour une telle stratégie permettra à notre métier de nous dégager des actes sans valeur ajoutée et de nous concentrer sur notre expertise au service de nos clients. Notre innovation et notre volonté de nous renouveler nous permettront de rester légitimes.

DOMINIQUE PALIARD
COFONDATEUR ASSOCIÉ DU GROUPE FIDENTIALP, AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

Nos clients attendent de nous proximité, réactivité et compétences. Encore plus avec la crise sanitaire que nous traversons. Si nous sommes tous persuadés de proposer les trois, il faut se rendre à l’évidence : ce n’est pas toujours possible, notamment dans un environnement réglementaire sans cesse plus contraignant. Nous devons faire des choix.

Dans notre cabinet, la vie des affaires nous a amenés à devenir des spécialistes de l’assurance de copropriétés alors que nous étions à l’origine des courtiers de risques d’entreprises. Pour répondre aux besoins des clients, nous avons développé notre propre texte de garantie, puis étendu nos délégations de gestion en production et sinistres, et sommes devenus un courtier spécialiste et délégataire. Si le fonctionnement en délégataire permet de répondre rapidement aux attentes clients, il fait reposer sur le gestionnaire un poids administratif et réglementaire important. Il nécessite, par voie de conséquence, un investissement considérable, qui croît en permanence au gré des évolutions réglementaires. Ce fonctionnement est tellement coûteux qu’il impose un développement de la structure. Par ailleurs, nos principaux concurrents accèdent à nos clients en s’appuyant sur des gammes de solutions plus larges. Leur choix se fait au détriment de la proximité que nous leur offrons.

Rester indépendant ?

Comme beaucoup de nos confrères, nous nous sommes interrogés sur l’opportunité de continuer seuls et de manière indépendante l’aventure de notre société, créée il y a 20ans. Avec la crise sanitaire, c’est devenu une évidence : le regroupement avec d’autres confrères est une solution pour atteindre une taille critique et devenir multispécialiste tout en gardant notre proximité. Nous avons ainsi rejoint une entité implantée régionalement et spécialisée dans l’immobilier.

En intégrant Odealim, nous avons étendu nos domaines d’intervention. Il nous aurait fallu dix ans pour y arriver seuls, et encore, dans certaines branches comme la dommages- ouvrage, assurer 100% des copropriétés de l’agglomération grenobloise ne suffirait pas à obtenir un protocole de souscription en délégation.

De même, quel dirigeant de cabinet de courtage pense pouvoir faire face, seul, à la mise en conformité avec la DDA, le RGPD, la formation ? Le faible taux d’adhésion des courtiers aux deux syndicats professionnels montre bien que les solutions, pourtant pertinentes, qu’ils proposent n’ont pas suffi à convaincre la profession.

Les associations d’accompagnement prévues par le projet de loi sur l’autorégulation sauront proposer la solution clés en main dans des conditions financières absorbables par les petites structures, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui. Le modèle associatif a montré son efficacité dans un cadre assez similaire pour les CIF, et nous pouvons bien espérer qu’il en soit de même pour le courtage. Cette mise en conformité n’est pas une option, mais bien une obligation, et il serait regrettable pour notre profession que seuls les courtiers les plus importants puissent y répondre.

OLIVIA ROY
PRÉSIDENTE DU CABINET OLIVIA ROY ASSURANCES, AUVERGNE-­RHÔNE-ALPES

Courtier en province avec une clientèle principalement constituée d’industriels forains, corporation saisonnière qui, comme la restauration a été très touchée par le confinement et l’interdiction d’exploiter leur manège en début de saison. Notre rôle de coutier a bien été mis à mal durant cette période où nous aurions dû avoir le soutien des compagnies pour accompagner nos clients. Malheureusement, les assureurs on fait preuve d’un silence total.

Certes, la mise en place de leur propre organisation n’était pas simple, néanmoins il nous est difficile de remplir notre mission d’accompagnement et de conseil auprès de nos clients quand nos questions restent sans réponse de la part de nos fournisseurs.

Les compagnies traditionnelles avaient là une occasion de se distinguer (avec nous en relais sur le terrain) par rapport aux bancassureurs et aux directs, pour se rapprocher des problématiques de nos clients et « redorer » l’image de l’assurance souvent mise à mal. En apportant des solutions techniques et justifiées au lieu de nous laisser seuls et sans réponse à apporter à nos clients, et plus particulièrement à nos clients professionnels qui en avaient un besoin évident.

Manque de dialogue

Avec le télétravail, les contacts verbaux avec les compagnies et les experts ont été rendus difficiles, pour ne pas dire inexistants. Dans nos professions où le dialogue est important pour la bonne gestion des dossiers tant en production, qu’en sinistre, on peut dire sans esprit polémique que des solutions sont certainement à réinventer…

Cette expérience aura mis en évidence les lacunes des compagnies d’assurances et leur carence dans le soutien du réseau de leurs partenaires courtiers, ce qui doit nous amener à réfléchir d’urgence à l’amélioration de l’existant au niveau de la qualité de services et du respect des clients, d’autant plus quand ils sont en difficulté, sans omettre de travailler à la création de nouveaux produits, pour toujours mieux conseiller nos clients.

Fort heureusement, en qualité d’adhérente depuis de longues années du syndicat de notre profession, le Sycra, j’ai pu apprécier l’aide apportée à mon cabinet et à mes clients. En effet, fidèle à ses valeurs historiques de solidarité et de défense des intérêts des courtiers, et tout particulièrement des courtiers de proximité, et de la préservation des intérêts de nos clients, le syndicat s’est immédiatement organisé pour maintenir la qualité de ses services, chaque animateur du syndicat s’est mis en mode « télétravail » en continuant à œuvrer pour nous offrir un appui efficient, et plus spécifiquement sur les aides accordées par l’État et la Région. Il a notamment coordonné la recherche des informations et documents utiles pour nous proposer une veille dédiée à la crise (mesures fiscales et sociales, informations sur les prêts garantis par l’État avec confirmation de l’éligibilité des courtiers, méthode pour déposer une demande d’activité partielle, kits fiches conseils sanitaires pour accompagner la reprise du travail en cabinet de courtage…).

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