En cette période de déconfinement progressif, le SYCRA réfléchit à la meilleure façon de repenser nos métiers, nos modèles, et bâtir une nouvelle image pour l’assurance de demain

Mesdames, Messieurs, Chers Adhérents, Chères Consœurs, Chers Confrères,

Nous sortons progressivement de la longue période de confinement, mais le monde d’après n’est pas encore totalement en ordre de marche. Ainsi, concernant notre Assemblée Générale du SYCRA déjà reportée du 16 avril au jeudi 18 juin prochain pour cause de crise sanitaire, les conditions ne sont malheureusement toujours pas réunies pour que cet événement puisse se tenir normalement. Nous avons attendu jusqu’à la dernière minute dans l’espoir que l’horizon se dégage, mais les contraintes sanitaires et la limitation du nombre de personnes pouvant se réunir pour un tel événement nous empêchent d’organiser l’Assemblée Générale du SYCRA telle que nous l’avions envisagée. Ne souhaitant pas exposer nos invités, nos confrères adhérents et les partenaires du syndicat au moindre risque sanitaire, et ne souhaitant pas plus leur proposer une prestation bien involontairement dégradée, nous avons décidé d’annuler la date du 18 juin, comme nous vous l’annoncions par courriel le 13 juin dernier.

Nous allons réfléchir s’il est opportun de tenir notre Assemblée Générale après la rentrée de Septembre, mais sans présager de la décision finale, il nous paraît d’ores et déjà délicat de retenir cette option, beaucoup d’évènements de la profession ayant déjà été reportés sur le dernier quadrimestre 2020. Il est probable que pour ne pas trop retarder la tenue de notre Assemblée Générale, nous retenions la solution d’une AG digitale à huis clos, ce qui nécessite un autre type d’organisation, tout aussi complexe. Soyez sans crainte, nous vous tiendrons bien évidemment informés dès que possible. Dans ce contexte, j’ai été au regret de devoir prévenir M. Lionel CORRE, sous-directeur des Assurances à la Direction Générale du Trésor que nous ne pourrions malheureusement pas l’accueillir en sa qualité d’invité d’honneur et expert à la Conférence de notre Assemblée Générale.

Néanmoins, M. Lionel CORRE a immédiatement répondu positivement à ma sollicitation en accordant au SYCRA une tribune exclusive reprenant son analyse du contexte économique particulier que nous traversons, sa vision des choses pour les entreprises clientes de notre corporation du courtage d’assurance et ses positions sur plusieurs sujets qui vous intéressent tout particulièrement chères consœurs et chers confrères courtiers adhérents du SYCRA : l’accompagnement des courtiers de proximité qui a été déployé pendant la crise, le futur Régime de Catastrophe Sanitaire et de risque exceptionnel, l’Autorégulation du Courtage (objectifs poursuivis, intérêts pour le courtage et attentes de votre côté, nouveau calendrier parlementaire), les aménagements souhaités pour le Régime des Catastrophes Naturelles et la prise en compte des risques de sécheresse, la problématique d’un risque lourd (et trop négligé par la grande majorité des entreprises) qui est celui de la cyber sécurité avec les enjeux de dispositifs de cyber- assurance adaptés. Je vous laisse découvrir au plus vite cette tribune en pages intérieures.

En cette période de déconfinement progressif, il paraît opportun de réfléchir à la meilleure façon d’entrevoir des pistes d’action pour repenser nos métiers, nos modèles, et bâtir une nouvelle image pour l’assurance de demain, notre écosystème assurantiel ayant été sérieusement ébranlé. Les enseignements à tirer de la survenue de cette pandémie sont nombreux. La profession n’était d’évidence pas parfaitement préparée à gérer ce type de crise majeure et soudaine. Les travaux de simulations de crises pour aider à améliorer nos stratégies et nos capacités de résilience n’étaient pas suffisamment aboutis sur les points clés que sont la gouvernance, les processus, les outils et la technologie. La préparation en conditions quasi réelles semble avoir été sous- estimée ce qui n’a pas permis à toutes les organisations de se préparer véritablement, d’où un état de sidération au début de la crise qui a quelque peu paralysé le système, seul un état de mobilisation générale a permis d’en sortir progressivement et de trouver les solutions utiles à un véritable plan de continuité des activités. Les PCA écrits, même les plus complets, ne peuvent s’exonérer de simulation. Le télétravail, qui ne faisait pas l’unanimité au sein de la profession, a trouvé ses lettres de noblesse à l’occasion de cette crise, y compris au regard de certains de ces atouts qui étaient connus, mais pas avoués, tel le montant des économies qu’il peut générer par abandon de nombre de mètres carrés de bureaux devenus inutiles pour les collaborateurs travaillant chez eux.

Que dire de la manière dont cette crise a été gérée par le secteur de l’assurance ? Si la profession a malgré tout su se mobiliser à marche forcée pour compenser le manque de préparation évoquée juste avant, on peut néanmoins constater que le gouvernement a été quelque peu hésitant au début, sans doute pour ne pas propager un climat anxiogène qui aurait pu avoir des conséquences encore plus sévères que celles réellement vécues au sein de notre économie.

Point positif, celui de l’octroi des aides que le gouvernement a mobilisé ou coordonné (chômage partiel, PGE, enveloppe de solidarité, etc…..), ce qui a été d’une indéniable aide pour les entreprises et leurs salariés.

Du côté de la FFA, son silence pendant près de 3 semaines après la décision du confinement a été pesant, son incapacité à harmoniser les initiatives des compagnies adhérentes a eu des effets désastreux et continuera indubitablement à en avoir de façon durable, l’image de l’assurance étant dégradée sans distinction assureurs/intermédiaires et cela malgré une des plus forte mobilisation financière pour la solidarité nationale, toute corporation confondue, ce qui est un comble autant qu’un grand gâchis dû à trop d’approximation au niveau de la communication. Le recours par la FFA à une argumentation juridique et technique pour expliquer la non-indemnisation des Pertes d’Exploitation sans dommages, même si elle est vraie sur le fond, a été d’une grande maladresse dans un contexte où l’émotion à fleur de peau des clients était telle qu’un tel argumentaire était inaudible, pire, interprété comme une forme de mépris pour les clients et un manque de considération. La concurrence des compagnies qui a suivi pour savoir quelle serait celle qui tirerait le mieux la couverture à elle en proposant des prises en charge extracontractuelles ou des gestes commerciaux ciblés, n’a pas été plus appropriée pour rétablir la confiance déjà bien ébranlée des clients.

Du côté des intermédiaires, les discours critiques de certaines organisations pour fustiger et incriminer les compagnies d’assurance n’a pas aidé à apaiser les esprits et à rassurer les clients, et le SYCRA ne peut que le déplorer. Même si l’intention de faire bouger les lignes chez les assureurs aurait pu être louable, cela aurait dû être fait en cercle concerté, pas à longueur de publications et de commentaires sur les réseaux sociaux et dans la presse.

Alors, qu’aurions-nous pu faire différemment pour éviter les manquements, les lacunes, les failles dans notre système assurantiel ? On peut déplorer le manque total de concertation entre membres de la profession, chacun tirant la couverture à soi, plusieurs assureurs, en particulier des bancassureurs, cherchant à faire de cette situation délicate un premier round d’observation de la capacité des assureurs traditionnels à défendre leurs lignes sur le marché de l’entreprise, en proposant des aides appréciées par la clientèle là où beaucoup d’assureurs traditionnels se cantonnaient à de simples différés de cotisations, d’autres ne proposant rien du tout ! Le monde de l’assurance n’a pas été pleinement au rendez-vous des attentes des entrepreneurs. Une enquête menée par la CPME révèle que 80 % des dirigeants interrogés ont eu le sentiment d’avoir été soutenus par leur banquier, en revanche, 76 % ont eu le sentiment de ne pas avoir été soutenus par leur assureur ! Ce sentiment peut être lié à une mauvaise compréhension des contrats, ou un décalage entre la réalité de l’engagement commercial et les attentes du consommateur. En tout cas, il ressort de ce constat que les contrats pourraient être simplifiés au niveau de la visibilité des garanties proposées, voilà un axe de travail qui aurait pu être anticipé pour mieux servir les clients. Ce sont sans aucun doute les courtiers, toujours force de proposition dans ce type de situation, qui proposeront des innovations dans ce domaine.

Les lacunes constatées sur la partie « Pertes d’exploitation » ont bien évidemment été un problème majeur qui va rester un véritable marqueur de cette crise et aura des répercussions lors des prochains renouvellements. Les assureurs doivent se poser la question du libellé de leurs garanties dans les contrats et les intermédiaires doivent faite preuve d’introspection pour savoir s’il n’y a pas eu de lacunes ou à tout le moins d’approximation dans le devoir de conseil, les garanties PE n’ayant pas forcément toujours été suffisamment bien explicité dans la complexité de leurs mises en œuvre au moment des différents types de sinistres possibles.

La vraie question désormais est de savoir comment mieux appréhender un tel événement dans le futur. Avec une meilleure organisation, d’évidence. La mission des courtiers, conseils et mandataires des clients devra prendra à l’avenir encore plus d’importance, elle est la plus à même de garantir l’adéquation des contrats aux risques auxquels les clients sont exposés, avec l’apport d’une information complète et régulière de ces derniers afin qu’ils soient en mesure de prendre leurs décisions de manière parfaitement éclairée. Les différents travaux menés pour faire émerger un nouveau dispositif de catastrophe sanitaire est une solution pour ne plus revivre la problématique des Pertes d’Exploitations : que ce soit un dispositif par adaptation du régime de Catastrophes Sanitaires, un dispositif s’inspirant du GAREAT, ou par création d’une solution CATEX (Régime de Catastrophes Exceptionnelles) comme proposée par la FFA. Il faut se demander comment repenser nos couvertures pour qu’elles soient tenables en cas de pandémie et de risque systémique. C’est tout l’objet de la confrontation des préconisations remontées par les différentes organisations sollicitées par le Ministre de l’économie. La solution proposée par l’AMRAE ne concerne d’évidence que les grandes entreprises quand elle avance : « Il faut également renforcer la capacité d’auto-assurance des entreprises, afin qu’elles mutualisent dans le temps les risques sur leur bilan. » Cela n’est évidemment pas à la portée des capacités financières réelles des PME en temps normal et résiduelles en ces temps de crise. Il faudra donc avancer d’autres solutions, telle l’éventuelle prise en compte d’une formule intégrant la création d’un cadre fiscal spécifique pour un produit assuranciel permettant aux entreprises (hors grandes entreprises) d’externaliser à leur rythme le provisionnement nécessaire pour concourir au financement des mesures à prendre en cas de catastrophes sanitaires et exceptionnelles, par similarité avec ce qui existe déjà pour l’externalisation du provisionnement du passif social (Indemnités de fin de Carrière et Indemnité de Licenciement), il sera sans doute pertinent de faire remonter de telles suggestions quand il sera demandé de répondre à l’appel à contribution après la publication des lignes principales se dégageant des travaux du groupe de réflexion mis en place pour faire émerger les idées pour un futur dispositif de catastrophes sanitaires.

Par ailleurs, il faut réfléchir à des services complémentaires qui pourraient être déployés et mutualisés. Proposer ainsi des services de visualisation financière de l’exposition des entreprises aux risques potentiellement systémiques. L’un des véritables enjeux de la quantification des risques systémiques réside dans la construction d’une relation de confiance avec les dirigeants d’entreprise sur le long-terme. Dans un premier temps, il faut adopter un discours clair pour les convaincre et décrocher des investissements nécessaires au lancement de programmes de sécurisation structurants, pour ensuite démontrer l’efficacité des investissements menés et ainsi pérenniser la relation avec les dirigeants dans le temps, savoir démontrer la réduction des risques de manière chiffrée et l’évolution du risque sur plusieurs années. La méthodologie « Factor Analysis of Information Risk » (FAIR) est à cet effet l’une des plus répandues pour quantifier les risques. Elle se base sur une bonne connaissance pour les entreprises de leurs risques les plus critiques. En effet, vu la complexité de cette méthodologie, il faut éviter de s’éparpiller et se concentrer sur les scénarii de risque les plus importants. Pour les connaître, un travail de cartographie des risques est requis. Une bonne compréhension des mesures de sécurité existantes est aussi nécessaire pour estimer la capacité des structures à résister à des attaques et les impacts résiduels. Il faut également ébaucher un référentiel des coûts types (honoraires d’avocats, de cabinet de communication, etc.), qui doit être complété dans le temps. De par sa nature transverse, l’estimation du coût des risques nécessite la collaboration de nombreux acteurs de l’entreprise (Informatique, RH, juridique, etc.), ce qui peut être complexe et coûteux à mettre en place, avec la nécessité de mobiliser des ressources importantes, tant en nombre de jours hommes que de connaissance du contexte de l’entreprise. Pour absorber ce type de coûts, une mutualisation est sans doute opportune sur des catégories d’entreprises relevant de la même activité, mais le service ne sera alors que de niveau 1, les niveaux supérieurs ne pouvant relevés que d’un affinement au niveau de l’entreprise elle-même.

Enfin, l’expérience que nous venons de vivre, et qui se poursuit, peut sans doute nous permettre d’imaginer les produits différemment. Il est clair qu’un des enseignements à tirer de cette dernière période est que le produit d’assurance seul ne peut dans de nombreux cas se suffire à lui-même, on doit s’orienter vers des solutions globales avec des cartographies du risque considéré, un monitoring récurrent de l’environnement régissant le risque potentiel, des tests d’efficacité pour valider la pertinence des solutions mis en place, et au final, un produit d’assurance pour couvrir de façon indemnitaire les impacts financiers des risques résiduels. Les produits devront être assortis d’un panel serviciel pour mieux prévenir les risques en amont et faire en sorte de les éviter et pour mieux y remédier en aval s’ils se réalisent. Le risque cyber paraît un excellent terrain d’expérimentation pour ce type de nouvelle approche.

Ce qui est sûr, c’est que pour renforcer la proximité avec les assurés, passer par les courtiers d’assurance est la solution la plus adaptée, avoir recours à un courtier compétent qui exercera son devoir de conseil avec rigueur et professionnalisme est le meilleur gage d’une proximité génératrice de sécurité et de sérénité du client final. Dans un contexte nourri d’incertitudes, si imprévisible, les courtiers ont l’avantage d’être des acteurs stables, jouant un rôle pédagogique et aussi de soutien moral. Ils sont en quelque sorte les anges gardiens de leurs clients. La mission des courtiers, conseils et mandataires de leurs clients prendra à l’avenir encore plus d’importance, puisqu’elle vise à garantir l’adéquation des contrats aux risques auxquels les clients sont exposés, ainsi qu’une information complète et régulière de ces derniers afin qu’ils soient en mesure de prendre leurs décisions de manière parfaitement éclairée. Pour tous les courtiers qui exerce avec rigueur, cette proximité a permis de bien gérer l’épisode des multiples interrogations sur les Pertes d’Exploitation, qu’elles soient avec ou sans dommage. En tout état de cause, la profession devra rassurer et poursuivre ses missions de conseil auprès de clients éprouvés et dans l’attente de solutions pour construire le futur. L’assurance c’est le temps long, c’est un secteur où la confiance est primordiale : parce que les courtiers sont en place pendant 15, 20 ans, plus, à contrario de bancassureurs où les collaborateurs tournent tous les 3-4 ans, ils seront toujours les mieux à même à être le ciment de la confiance entre les assureurs et les clients, en faisant œuvre de pédagogie et d’accompagnement utile et efficace, meilleur gage de la reconnaissance de leur valeur ajoutée pour leurs clients mandants. Telle est la conviction du SYCRA depuis toujours, et cela fait 84 ans. Parce que le SYCRA est persuadé avec ses partenaires de l’importance du métier de courtier dans les économies locales, de la valeur ajoutée immense des courtiers et en particulier des courtiers de proximité pour leurs clients assurés, nous savons leur être utile, à tous les moments qui comptent, c’est notre rôle en tant que partenaires de confiance et nous mettons toute notre énergie et tous nos efforts pour être plus que jamais à la hauteur de cette promesse.

Vous souhaitant bonne lecture de ce nouveau numéro de notre revue du courtage MagaSYne, je vous confirme que le SYCRA, votre syndicat, reste encore et toujours engagé auprès de vous !

Bien confraternellement.
Le Président
Eric LAMOURET

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